Histoires de mots - 4 mai 2015 - 3 min

Mots de Marie

Le mois de mai est traditionnellement considéré par les catholiques comme le mois de Marie, la mère de Jésus. Aussi est-il approprié ce mois-ci d’explorer deux mots associés à son nom, marionnette et marotte. Nous passerons ensuite au nom commun madeleine, qui rappelle deux autres femmes, dont une autre Marie : Marie-Madeleine, personnage biblique connu, et une domestique prénommée Madeleine, inconnue du commun des mortels. On remarquera que la dernière Histoire de mots préfigurait en quelque sorte la présente, puisqu’on y apprenait que le nom propre Marivaux, à l’origine de marivaudage, signifiait ‘vallée de Marie’.

marionnette

Au Moyen Âge, une mariole était une représentation de la Vierge Marie (en sculpture, en image, sur une pièce de monnaie, etc.). Le terme s’est spécialisé pour désigner une poupée représentant la Vierge Marie, laquelle était présentée ornée de bijoux à la fête de l’Assomption. Plus tard, le terme s’appliquera à tout objet figurant un personnage. Marionnette serait une altération de la forme mariolette (non attestée), un diminutif du nom mariole, lui-même un diminutif de Marie. L’altération serait attribuable à l’influence du prénom Marion, un autre diminutif de Marie.

Marionnette est attesté depuis le moyen français, d’abord sous le sens de ‘représentation de la Vierge’, puis sous plusieurs sens aujourd’hui disparus, dont ‘genre d’instrument de musique’ et ‘genre de danse’, avant d’imposer rapidement son sens moderne de ‘figurine actionnée en cachette’. À partir du français classique, on se sert aussi du terme pour désigner une personne influençable et sans volonté, comme si elle était un pantin manipulé par un marionnettiste. Enfin, le français moderne développe le sens ‘assemblage de poulies tendues verticalement par deux traverses’, les câbles des poulies rappelant ainsi les ficelles qui actionnent la marionnette.

marotte

Comme pour mariole, à l’origine de marionnette, le mot marotte est un diminutif de Marie qui désignait primitivement une représentation de la Vierge Marie. Le sens sera ensuite élargi à tout objet figurant un personnage, puis désignera spécialement l’attribut du fou du roi, soit une tête coiffée d’un capuchon bigarré à grelots et fixée au bout d’un bâton. Le mot a connu plusieurs sens liés à des représentations humaines, tous désuets aujourd’hui. Par ailleurs, par l’intermédiaire de locutions telles que porter la marotte ‘être extravagant’, le mot a signifié ‘folie’ au début du français classique, avant de s’atténuer rapidement en ‘idée fixe’, seul sens demeuré courant aujourd’hui.

madeleine

Du nom propre Madeleine ont été tirés deux noms communs, madeleine et madeleineau, et une locution, pleurer comme une Madeleine. Remarquons toutefois que les deux acceptions du nom commun madeleine proviennent de deux femmes différentes portant ce nom : la première Madeleine, Marie-Madeleine, disciple de Jésus, et Madeleine Paumier, une servante du XVIIIe siècle. Le nom de Marie-Madeleine est une adaptation du grec Maria hê Magdalênê, qui signifie ‘Marie, originaire de Magdala’. Magdala est le nom d’une ville de Galilée signifiant à l’origine ‘tour’ (qui se dit magdal en araméen).

La tradition catholique a longtemps confondu Marie-Madeleine, la fidèle disciple de Jésus, avec une autre femme, anonyme celle-là, qui exerçait le métier de prostituée. Prise de repentir après avoir écouté les paroles de Jésus, cette dernière aurait inondé de ses larmes les pieds du maitre ; de là, l’expression pleurer comme une Madeleine. On la nomma patronne des prostituées et on choisit la date du 22 juillet pour la célébrer. Comme certains fruits à maturation hâtive (poires, pommes, pêches, prunes) sont prêts pour la cueillette vers cette date, on les appela madeleines. Il en est de même pour les jeunes saumons appelés madeleineaux, qui sont pêchés en juillet.

Madeleine Paumier, quant à elle, était une domestique de la ville lorraine de Commercy. Un jour de 1755, en l’absence du cuisinier, on lui demanda de préparer à la hâte des gâteaux pour le duc Stanislas Leszczynski, beau-père du roi Louis XV. Elle confectionna alors de petits gâteaux selon une recette familiale. Le duc s’en serait tant délecté qu’il décida de les baptiser du prénom de leur auteur. Appelés initialement gâteaux à la Madeleine, ils furent par la suite appelés par antonomase madeleines (d’abord avec une majuscule). À en croire l’écrivain Marcel Proust, la madeleine serait non seulement délicieuse, mais possèderait aussi des propriétés mnémoniques, puisque dans le premier tome Du côté de chez Swann (1913) de son cycle romanesque À la recherche du temps perdu, une simple bouchée de ce gâteau fait surgir chez le narrateur un souvenir délicieux de sa jeunesse. C’est par allusion à cette expérience sublime que la locution madeleine de Proust s’emploie pour désigner un détail sensoriel qui fait remonter un flot de souvenirs.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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