Points de langue - 7 février 2005 - 1 minute

Avez-vous l’heur ?

L’expression avoir l’heur de signifie « avoir la chance de », « avoir le bonheur de », « avoir le plaisir de ». En principe, elle peut être suivie de n’importe quel verbe à l’infinitif :

J’ai l’heur de connaitre vos parents depuis plusieurs années.
Cette décision a eu l’heur de satisfaire toutes les parties en présence.
Quand aurais-je l’heur de vous revoir ?

En pratique, elle survit surtout avec le verbe plaire, souvent dans une tournure négative qui devient un euphémisme pour « déplaire » :

Les dernières déclarations du député n’ont pas eu l’heur de plaire à son chef.

Attention à l’orthographe du mot heur, souvent maltraitée dans cette expression. Quelques exemples à ne pas suivre :

*Il a l’heure de plaire.

Maintenant ou jamais ?

*Elle a leurre de plaire.

Avec ses appâts ?

*Ils ont leur de plaire.

En y mettant du leur ?

*Elle a l’heurt de plaire.

Une beauté frappante ?

La confusion fréquente entre heur et heure n’est pas récente et s’explique en partie par l’histoire parallèle de ces deux mots. Le mot heur dérive du latin populaire agurium, qui vient lui-même du latin classique augurium, mot signifiant « présage » (favorable ou non). En ancien français, il s’est écrit sous les formes oür, aür, eür, puis, à partir du xve siècle, on l’a écrit heur, sous l’influence du mot heure (dérivé du latin hora, mot désignant une unité de temps). Il signifiait alors « chance » (bonne ou mauvaise) et on précisait au besoin la nature de cette chance : bon heur, mal heur. De là viennent nos mots bonheur et malheur. Des expressions homophones existaient également avec le mot heure (bonne heure, male heure), ce qui peut avoir contribué à la confusion entre heur et heure.

Assez tôt, heur s’est spécialisé dans le sens de « bonne chance » (d’où le dérivé heureux). Il s’oppose alors à malheur, comme dans ce proverbe : il n’y a quheur et malheur en ce monde (« tout est question de chance et de malchance »).

Dès la fin du xviie siècle, heur commence à être supplanté par bonheur, pour ne plus survivre aujourd’hui que dans l’expression figée avoir l’heur de.

Ne pas confondre cette expression avoir l’heur de (« avoir la chance de ») avec avoir l’heure (« avoir sur soi une montre, un moyen de connaitre l’heure qu’il est ») :

— Excusez-moi, Monsieur, avez-vous l’heure ?

Ce à quoi un grammairien facétieux répondrait probablement :

— Non, désolé, je n’ai pas l’heur d’avoir l’heure !

Dans les années soixante-dix, un fabricant de montres fusionnait les deux expressions dans un slogan publicitaire :

Timex, la montre qui a l’heure de plaire.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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