Histoires de mots - 4 juin 2012 - 4 min

de l'Olympe à l'Angleterre

La fièvre des Jeux olympiques va bientôt s'emparer du monde entier. Tous les projecteurs seront tournés vers Londres, braqués sur nos champions qui nous éblouiront par leurs prouesses. Pour vous mettre dans l'ambiance, nous vous présentons quelques mots « olympiques » qui nous feront voyager de la Grèce antique à l'Angleterre. On verra que les Anglais et le sport sont intimement liés, puisqu'on fera souvent mention de leur langue ou de leur pays dans notre enquête, comme cela a déjà été le cas dans l'histoire de mots _Des sports accrocheurs_.

olympique

Les premiers Jeux olympiques ont eu lieu en 776 av. J.-C. dans le sanctuaire grec d'Olympie (en grec : Olumpia), dans le Péloponnèse. Par la suite, ces compétitions sportives se sont répétées à intervalles de quatre ans. Le nom des jeux et celui du sanctuaire honorent Zeus Olympien, c'est-à-dire Zeus du mont Olympe (en grec : Olumpos). Cette montagne, située dans le nord de la Grèce, à quelque 600 km du sanctuaire d'Olympie, était considérée comme le domaine des dieux selon la mythologie grecque.

Une douzaine d'autres montagnes ou collines du domaine grec se nommaient également Olumpos, ce qui suggère que le mot remonterait à une langue préhellénique dans laquelle il aurait signifié simplement 'montagne'. La célébrité de l'Olympe a franchi les frontières, alors qu'on a donné son nom à plusieurs montagnes de par le monde ; elle a même gagné d'autres mondes, puisqu'on a baptisé Olympus Mons le plus haut sommet du système solaire, un volcan éteint dominant la planète Mars du haut de ses 21 km.

Les Jeux olympiques s'appelaient Olumpi(a)koi agônes en grec, qu'on a traduit en ludi Olympi(a)ci en latin. Calquée sur le latin, l'expression française Jeux olympiques est utilisée depuis le moyen français pour désigner les jeux antiques et, depuis la fin du XIXe siècle, pour désigner aussi la réunion sportive moderne réintroduite par le baron Pierre de Coubertin.

L'expression est parfois abrégée en J.O. ou JO (qu'on prononce en Europe en épelant). On rencontre aussi les formes elliptiques les Jeux et les Olympiques. Cette dernière, qui gagne du terrain, semble avoir été influencée par l'expression anglaise the Olympics, apparue bien avant.

Au sens de 'ensemble de compétitions sportives', le mot apparenté olympiade provient directement du grec ancien olumpias (forme génitive : olumpiados). Il est généralement utilisé au pluriel dans ce sens, probablement sous l'influence de l'expression synonyme Jeux olympiques. Bien que l'Académie française l'ait condamné en 1964, cet emploi est bien implanté. Cependant, il s'applique plutôt à une compétition sportive de moindre importance organisée pour le plaisir. Au sens de 'intervalle de quatre ans', olympiade a été emprunté au grec par l'intermédiaire du latin classique olympias (forme génitive : olympiadis). Ce sens n'est plus utilisé aujourd'hui que pour référer au calendrier grec antique.

marathon

Marathon est une localité de la côte nord-est de l'Attique (Grèce), signifiant proprement 'lieu couvert de fenouil'. Elle fut le théâtre en 490 av. J.-C. d'une bataille opposant les Grecs aux Perses. Victorieux, les Grecs auraient envoyé un messager qui aurait couru la quarantaine de kilomètres séparant Marathon d'Athènes pour annoncer la bonne nouvelle. Il ne put malheureusement pas recevoir les honneurs dus à son exploit, car il serait mort d'épuisement à son arrivée.

En commémoration de cette course, les initiateurs des Jeux olympiques modernes se servirent du nom de cette localité pour désigner une course de fond d'une quarantaine de kilomètres. Au début, la distance à parcourir variait de 40 à 42,75 km selon les tracés aménagés par les villes hôtes. Ce n'est qu'en 1921 qu'elle fut fixée par la Fédération internationale d'athlétisme amateur à 42,195 km. Elle correspond à la distance que les marathoniens des Jeux olympiques de Londres de 1908 avaient à couvrir, soit du château de Windsor au White City Stadium. Les raisons de ce choix ne sont pas établies, mais il se pourrait qu'une influence britannique auprès des membres du comité ait pesé dans la balance.

Vers les années 1940 apparait un emploi figuré 'très longue épreuve d'endurance' rappelant la longue course épuisante des marathoniens. Dans ce sens, le mot est utilisé de deux façons : suivi d'un adjectif (ex. :marathon diplomatique) ou en apposition (ex. : discussion-marathon). Soulignons aussi la présence d'un suffixe -thon au Québec, emprunté un peu avant la Deuxième Guerre mondiale à l'anglais par troncation de marathon. Complètement intégré à la langue, il entre dans la formation de mots désignant des activités de longue haleine destinées à amasser des fonds (ex. : dansothonlavothonberçothonchantothon).

tennis

Tennis a été emprunté au XIXe siècle de l'anglais, qui l'a lui-même emprunté au XIVe siècle de l'anglo-français, un dialecte français utilisé alors en Angleterre. Plus précisément, le mot provient de la forme impérative plurielle tene(t)z du verbe tenir. Le s final du mot anglais reflète la prononciation de la graphie z de ce dialecte lors de l'emprunt. Le joueur, avant de servir, devait lancer cette interjection à son adversaire pour qu'il se tienne prêt à recevoir.

L'ancêtre du tennis est le jeu de paume extérieur (plus tard appelé longue paume). Il se jouait en France dès le Moyen Âge et passa rapidement en Angleterre. Son pendant intérieur (plus tard appelé courte paume) fut inventé par Louis X de France au tournant du XIIIe siècle. Le jeu de paume se pratiqua successivement à main nue, avec un gant, avec un battoir et enfin avec une raquette à partir du XVIe siècle.

Le tennis moderne a été inventé dans la région de Birmingham vers 1860 par Juan Bautista Augurio Perera, un marchand espagnol, et par le major Harry Gem. Un autre major, Walter Clopton Wingfield, en codifia les règles le 23 février 1874 en le désignant par le nom grec de sphairistike, signifiant 'relatif au jeu de balle' oulawn tennis 'tennis sur gazon', pour le distinguer du tennis tout court qui référait alors au jeu de paume intérieur.

L'appellation lawn tennis fut la seule retenue et fut abrégée rapidement en tennis devant la popularité croissante de ce nouveau sport. Au siècle dernier, pour distinguer l'ancien tennis du nouveau, les partisans de l'ancien le qualifièrent de tennis « véritable » (real tennis) ou « royal » (royal tennis).

Par extension, le terme a eu diverses acceptions liées au tennis. La seule connue aujourd'hui est celle de chaussure basse en toile avec une semelle de caoutchouc, probablement formée par troncation de l'anglais tennis shoes 'chaussures de tennis'. De genre masculin au départ, il est fréquemment utilisé au féminin de nos jours.

badminton

Le badminton est un sport d'origine anglaise. Il est issu d'un autre jeu anglais plus ancien, le battledore and shuttlecock, qui se jouait sans filet. Au XIXe siècle, les Anglais exportèrent en Inde britannique (particulièrement à Poona) ce jeu, auquel ils ajoutèrent un filet. De retour en Angleterre, des officiers introduisirent cette nouvelle version du battledore and shuttlecock au domaine de Badminton House du Duc de Beaufort, dans la ville de Badminton (comté de Gloucestershire). D'abord appelé poona, puis Badminton battledore et game of Badminton, il fut abrégé peu après en badminton (en 1874). Le mot pénétra en français à la fin du XIXe siècle.

Pour les curieux, le toponyme Badminton est hérité de l'anglo-saxon Badimyncgtun, qui rappelle l'existence d'un certain Baduhelm auquel aurait appartenu le domaine. C'est ce qui ressort en tout cas de la décomposition de ce mot : Badm (contraction de Baduhelm), -ing 'qui appartient à' et -tun 'domaine (clos)'. Ce dernier élément est très répandu dans les toponymes d'origine anglaise dont plusieurs contiennent aussi le même suffixe -ing (ex. : WashingtonWellingtonBurlington). Il est directement lié au nom anglais town 'petite ville', qui entre lui aussi dans la composition de toponymes (ex. : FreetownGeorgetownCharlottetown).


Le contenu de nos Histoires de mots est tiré des notices étymologiques du dictionnaire historique d’Antidote 8.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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