Histoires de mots - 3 janvier 2011 - 2 min

Des noms pas très propres

La langue a recours à une foule de procédés pour la création de nouveaux mots. Un de ces procédés est l’antonomase, qui consiste à tirer un nom commun d’un nom propre (ou vice versa). Les rapports entre le nom commun et le nom propre dont il est issu sont divers : la provenance (par exemple, un bordeaux est un vin qui provient de la région de Bordeaux), une caractéristique commune (le comportement d’un vandale rappelle les invasions des Vandales) ou la paternité d’une invention (la montgolfière a été inventée par les frères Montgolfier). Pour cette première chronique, voici trois noms d’inventions dérivant de noms propres de personnes. Normalement, ces inspirateurs ainsi voués à la postérité devraient s’en trouver honorés, mais, dans ces cas-ci, il est permis d’en douter…

guillotine

La guillotine est associée au chirurgien français Joseph Ignace Guillotin. Contrairement aux idées reçues, il n’en est pas l’inventeur. En effet, les « appareils à décollation » avaient été utilisés depuis le Moyen Âge dans plusieurs pays d’Europe, quoique sporadiquement, à cause de leur caractère trop humain (!) et, donc, moins dissuasif.

En 1789, aux premières heures de la Révolution française, le docteur Guillotin, député à l’Assemblée nationale constituante, recommanda l’usage de cet instrument qui, au lieu des méthodes traditionnelles (roue, pendaison, bucher, écartèlement ou décapitation par l’épée), assurait au condamné une mort rapide, sans douleur et égale pour tous. Le docteur Antoine Louis, secrétaire de l’Académie de chirurgie, fut chargé de dessiner les plans d’un modèle efficace. Il décida alors de remplacer la lame droite du couperet par une lame oblique. Le nouveau modèle fut d’abord familièrement désigné sous le nom de son dessinateur (louison ou louisette), puis, définitivement, sous celui de son promoteur (guillotine), au grand désespoir du docteur Guillotin, parait-il...

poubelle

Les fameux contenants qui reçoivent les ordures doivent leur nom au préfet de l’ancien département de la Seine (Paris), Eugène-René Poubelle, qui fut aussi à l’origine du tout-à-l’égout. Il imposa son nouveau contenant en 1884 pour enrayer l’insalubrité causée par l’amoncèlement des déchets dans les rues de Paris. On les baptisa rapidement boîtes Poubelle, puis simplement poubelles.

vespasienne

La vespasienne tire son nom de l’empereur romain Vespasien, qui régna de 69 à 79 de notre ère. On avait cru à tort qu’il avait instauré ces urinoirs publics. En réalité, il avait plutôt levé un impôt touchant, entre autres, la collecte d’urine utilisée par les teinturiers. Raillé pour cet impôt, il aurait répondu par ce proverbe connu : « L’argent n’a pas d’odeur » (en latin : « Pecunia non olet »).

L’urinoir public fut introduit à Paris en 1834 par le comte Claude-Philibert de Rambuteau, un autre préfet de la Seine. Apparemment, il fut d’abord installé dans une voiture, avant de constituer un édicule pouvant prendre la forme d’une colonne. Le terme vespasienne fait son apparition la même année, concurrencé peu après par l’expression colonne Rambuteau. Le préfet Rambuteau, modeste, proposa colonne vespasienne pour remplacer l’association avec son nom. Seul le mot vespasienne a franchi le seuil du XXe siècle, mais il s’effacera probablement au XXIe, maintenant que les urinoirs publics cèdent la place aux cabines d’aisance à nettoyage automatique.


Le contenu de nos Histoires de mots est tiré des notices étymologiques du dictionnaire historique d’Antidote 8.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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