Points de langue - 4 février 2019 - 4 min

Espèce, genre, type et toutes ces sortes de noms

Les noms espèce, genre, type, sorte, style et d’autres noms de sens apparenté présentent parfois des difficultés d’écriture. Par exemple, on peut hésiter sur le nombre à donner à un nom complément ou encore sur la façon d’accorder le verbe dont le sujet est un syntagme construit avec l’un de ces noms.

Nombre du complément du nom construit avec de

Les noms de cette série, qui désignent avec plus ou moins de précision un ensemble d’éléments partageant des caractéristiques, peuvent revêtir selon le contexte un caractère plutôt distributif (qui met l’accent sur l’élément) ou plutôt collectif (qui met l’accent sur l’ensemble de ces éléments). Lorsqu’un tel nom est suivi d’un nom complément introduit par la préposition de, l’usage est flottant et, de façon générale, on a le choix de mettre au pluriel ou non le nom complément, selon l’aspect sur lequel on veut insister :

un type de voiture
un type de voitures

Cela vaut aussi quand le nom auquel se rattache le complément est au pluriel :

des types de voiture
des types de voitures

Ce principe général étant établi, on peut observer les tendances qui suivent.

Quand type (ou un nom synonyme) est au singulier, le complément est le plus souvent lui-même au singulier :

On ne fabrique plus ce type de voiture.
Une targe est une sorte de bouclier.
Je n’avais jamais vécu ce genre de situation.
On peut observer dans la région cette espèce de goéland.

Mais le pluriel est aussi possible :

On ne fabrique plus ce type de voitures.
On peut observer dans la région cette espèce de goélands.

Quand le nom noyau est au pluriel, le nom complément est le plus souvent au pluriel quand il désigne un élément concret ou comptable :

On ne fabrique plus ces types de voitures.
On peut observer dans la région plusieurs espèces de goélands.

Quand le nom complément désigne plutôt un élément abstrait, on le laisse habituellement au singulier :

L’auteur de l’essai distingue plusieurs sortes de nationalisme.

Expressions avec le déterminant tout

tout genre de, toute sorte de, toute espèce de

Dans les constructions où ces mots sont immédiatement précédés du déterminant tout, on a le choix entre le singulier distributif (avec le sens « n’importe quelle sorte » ou « chaque sorte ») et le pluriel collectif (« toutes les sortes ») :

tout genre de meuble ou de meubles
tous genres de meuble ou de meubles

toute sorte de meuble ou de meubles
toutes sortes de meuble ou de meubles

Cela dit, la variante où un complément singulier suit un nom pluriel (toutes sortes de meuble) est la plus rare et se rencontre surtout avec des noms abstraits :

Il existe toutes sortes de bonheur.

Avec genre et sorte, rien ne distingue à l’oreille les quatre variantes possibles. Avec le mot espèce, la construction au singulier toute espèce de est nettement plus fréquente que le pluriel audible toutes espèces de.

en tout genre, de tout genre, de toute sorte, de toute espèce

Ces expressions, qui suivent habituellement un nom pluriel, peuvent s’écrire au pluriel ou au singulier :

des meubles en tout genre ou en tous genres
des meubles de tout genre ou de tous genres
des meubles de toute sorte ou de toutes sortes

Comme dans la construction précédente, dans le cas du nom espèce, la variante audible au pluriel (de toutes espèces) est plus rare que celle au singulier (de toute espèce).

Difficultés d’accord

Les syntagmes nominaux examinés présentent une autre difficulté, celle de l’accord avec les autres membres de la phrase (verbe, adjectif, participe).

Si l’insistance porte sur le nom noyau (sorte, type, etc.), dans son sens plein de « catégorie », insistance souvent marquée par l’emploi d’un déterminant démonstratif (ce, cette, ces), l’accord en genre et en nombre se fait de façon régulière avec le nom noyau :

Ce type de voiture n’est plus fabriqué.
Ce genre de situation est fréquent.
La même espèce de goélands niche dans l’ile voisine.
Ces sortes de nationalisme sont étudiées dans l’essai.

Si c’est le nom complément qu’on veut mettre en relief, l’accord en genre et en nombre se fait avec lui :

Ce type de voitures ne sont plus fabriquées.
Ce genre de situation est embarrassante.

L’accord se fait habituellement avec le nom complément dans ces expressions construites avec le déterminant tout :

Toute(s) sorte(s) de produits sont offerts.
Toute espèce d’individualisme était réprimé.

Dans ces syntagmes nominaux, il arrive souvent que le noyau sémantique ne corresponde pas au noyau syntaxique : non seulement on met plutôt l’accent sur le nom complément, mais le noyau syntaxique prend une valeur moins définie, parfois péjorative, qui le rapproche d’un déterminant ou d’un adjectif qualifiant une chose ou une personne dont on a une définition approximative. C’est fréquemment le cas avec les noms espèce et genre précédés d’un déterminant indéfini (un, une, des). Dans ces cas, l’accord en genre et en nombre se fait avec le nom complément :

Une espèce de fou s’est précipité sur la scène.
Elle portait une sorte de kimono trop grand.
Une espèce de goéland s’est posé sur le mât du voilier.
Des genres de guérisseuses sont consultées et vénérées par les villageois.

Dans la langue littéraire, les noms manière et façon sont parfois employés dans ce sens :

Une manière de chapeau à plumes était délicatement posé sur sa tête.
Une façon de prince oriental s’est présenté à la cour.

Le caractère sémantiquement adjectival du nom espèce est parfois reflété, dans un registre relâché, par l’emploi du déterminant masculin quand le complément est un nom masculin, comme si c’était à celui-ci que se rapportait le déterminant :

Un espèce de fou s’est précipité sur la scène.
Cet espèce d’illuminé est convaincu que la fin du monde est proche.

Le fait que le nom espèce commence par une voyelle facilite phonétiquement ce changement de genre du déterminant. Comme l’indiquent les astérisques ci-dessus, cet usage est à éviter dans la langue écrite.

Signalons encore le changement de valeur du sémantisme du nom espèce dans des phrases exclamatives où il sert essentiellement à renforcer une insulte :

Espèce de crétin !

style, genre

En art, le mot style, suivi d’un adjectif ou d’un nom, s’emploie souvent apposé à un nom, comme dans la deuxième formulation ci-dessous, où il y a ellipse de la préposition de :

Des fauteuils de style anglais.
Des fauteuils style anglais.

Devant un nom, l’ellipse peut porter en plus sur la préposition et le déterminant qui suivent style :

Un édifice du style de la Renaissance
Un édifice style Renaissance

Dans la langue familière, des tournures elliptiques similaires s’emploient pour introduire une comparaison approximative (« du genre de », « dans le même genre que ») :

Elle était accompagnée d’un gaillard style haltérophile.

Le mot genre est aussi employé de cette façon :

Elle était accompagnée d’un gaillard genre haltérophile.

Les mots style et genre sont invariables dans ces appositions :

Des gaillards style haltérophiles.
Des princesses genre Blanche-Neige.

Le mot genre est même parfois utilisé dans un rôle d’adverbe signifiant « environ, à peu près » :

Il y avait genre cinquante spectateurs.

Dans la langue parlée, on abuse parfois du mot genre, employé comme ponctuation sans valeur bien précise. Le mot est par exemple employé en début de phrase avec une valeur plus ou moins exclamative, à la façon d’une interjection.

Genre, tu aurais pu me prévenir !

Tous ces emplois relèvent du registre familier et sont à éviter dans les contextes où « ce n’est pas le genre de la maison ».

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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