Points de langue - 4 juin 2007 - 2 min

Inuit, taliban et autres pluriels empruntés

Un utilisateur d’Antidote s’interroge :

Dans la langue des Inuits, l’inuktitut, le mot Inuit désigne plus d’une personne. On dit un Inuk, des Inuit. L’Office québécois de la langue française suggère qu’une fois importés dans la langue française, les mots étrangers prennent l’accord selon les règles de la langue française. Donc, on dirait des Inuits. Mais plusieurs s’opposent à cet accord en raison de la nature plurielle de ce mot dans sa langue d’origine. Alors, selon vous, est-ce qu’on doit écrire des Inuits ou des Inuit ?

Le fait que le mot français singulier Inuit soit en fait un pluriel dans sa langue d’origine (pluriel de Inuk) n’est pas un cas exceptionnel. Ce phénomène se produit parfois, notamment quand un mot est surtout employé au pluriel au moment d’être emprunté par le français. La forme plurielle étrangère en vient à être utilisée aussi bien pour le singulier que pour le pluriel en français. Les francophones en viennent aussi à écrire ces mots en leur ajoutant un s au pluriel, même si cette marque du pluriel peut sembler redondante pour une personne qui connait la langue d’origine du mot. Voici quelques exemples d’emprunts de ce type :

langue singulier pluriel singulier et pluriel français
inuktitut Inuk Inuit un Inuit, des Inuits
arabe talib taliban un taliban, des talibans
hébreu kerub kerubim un chérubin, des chérubins
italien confetto confetti un confetti, des confettis
latin medium media un média, des médias
suédois drake drakkar un drakkar, des drakkars

Cette francisation va d’ailleurs dans le sens des propositions de rectifications de l’orthographe. Voici un extrait du texte officiel de ces recommandations :

II. - Règles. […] 7. Singulier et pluriel des mots empruntés : les noms ou adjectifs d’origine étrangère ont un singulier et un pluriel réguliers : un zakouski, des zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un confetti, des confettis ; un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans, etc. On choisit comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans sa propre langue.

Ces mots forment régulièrement leur pluriel avec un s non prononcé (exemples : des matchs, des lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de même pour les noms d’origine latine (exemples : des maximums, des médias). […]

Antidote, qui est doté de réglages relatifs aux rectifications de l’orthographe, connait la liste complète des mots touchés par ces rectifications.

Pour revenir au mot Inuit, signalons que la position de l’Office québécois de la langue française a évolué sur cette question. Voici l’historique de ses recommandations :

Avant 1993 : un Inuk, des Inuit
une Inuk, des Inuit
L’adjectif inuit est invariable en genre et en nombre.
En 1993 : un Inuit, des Inuits
une Inuite, des Inuites
L’adjectif inuit reste invariable en genre et en nombre.
En 1995 : L’adjectif inuit devient à son tour variable en genre et en nombre (ex. : les populations inuites).

On voit que l’évolution s’est faite dans le sens de la francisation de la flexion, où le féminin et le pluriel suivent les règles habituelles du français dans tous les cas.

Le français ne peut pas importer toutes les règles de flexion des langues étrangères. Il n’est pas incorrect pour les spécialistes d’utiliser des formes plus « savantes », mais on ne peut pas exiger de tous les locuteurs français de maitriser ces règles. C’est pourquoi, tout comme les rectifications de l’orthographe et l’Office québécois de la langue française, nous recommandons de privilégier la flexion francisée (un Inuit/des Inuits, une Inuite/des Inuites). Elle a l’avantage de la clarté et de la simplicité.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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