Points de langue - 6 février 2006 - 3 min

Pause chocolat

Le chocolat est un aliment qui plait à toutes les langues, la française comme les autres, qui ne manquent pas de mots pour décrire ses qualités ou ses formes. En particulier, sa forme commerciale solide, plate et allongée connait chez les francophones une variété d’appellations qui méritent un petit survol.

tablette et barre

Quand le chocolat moulé est vendu sous la forme d’une petite plaque rectangulaire, l’on parle généralement d’une tablette de chocolat. Elle est le plus souvent divisée en rangées de compartiments plus ou moins carrés et facilement détachables. Ces rangées sont parfois vendues individuellement et sont alors souvent appelées barres de chocolat.

La locution barre de chocolat est parfois critiquée au Québec, car certains y voient un calque de l’anglais chocolate bar. Pourtant, elle est attestée dans la plupart des dictionnaires français, à commencer par le Dictionnaire de l’Académie française, qui, dans sa dernière édition, après avoir défini le mot barre comme un « objet de forme étroite et allongée, constitué d’une matière rigide », donne ces exemples : Diviser une tablette de chocolat en barres. Manger une barre de chocolat.

Alors que le mot tablette met l’accent sur l’aspect aplati et rectangulaire de la forme moulée, le mot barre met plutôt l’accent sur l’aspect allongé d’un produit destiné à une consommation individualisée. À remarquer que l’expression barre chocolatée devrait être préférée à barre de chocolat quand la barre contient une proportion significative d’autres éléments (caramel, nougat, noix, fruits secs, céréales, etc.) enrobés dans le chocolat. Plusieurs barres parmi les plus populaires dans le commerce répondent à cette description.

Ces distinctions terminologiques ne sont pas toujours respectées dans l’usage, en particulier au Québec, où les expressions tablette de chocolat et barre de chocolat ont tendance à être considérées comme plus ou moins interchangeables.

plaque, plaquette, palette

On rencontre également dans l’usage les locutions plaque de chocolat et plaquette de chocolat. Le mot plaque comporte le sens général d’« objet plein et rigide dont l’épaisseur est relativement réduite par rapport à la surface ». Quant à plaquette, c’est une « petite plaque ». Ces appellations pourront convenir aux tablettes de chocolat qui répondent à ce signalement.

Quant à palette de chocolat, c’est un synonyme de tablette ou barre de chocolat qui est assez répandu au Québec et de registre plutôt familier. Faut-il y voir l’influence des mots plaquette ou tablette ? Rappelons que le mot palette désigne un instrument, un objet ou une partie d’objet de forme plate et allongée. L’expression palette de chocolat est inusitée en France, mais elle a fait son entrée dans le Petit Larousse 2006 à titre de québécisme. Cette admission dans un dictionnaire européen donne une certaine légitimité à cette expression, mais, comme tout régionalisme, elle devrait être employée avec circonspection et réservée à des contextes où l’on est sûr qu’elle sera comprise par les lecteurs.

branche et bille

Mentionnons deux autres régionalismes désignant des produits d’un aspect voisin : branche de chocolat et bille de chocolat. La locution branche (de chocolat) se rencontre en Suisse et désigne spécialement une barre de chocolat de forme cylindrique. Cette branche a peut-être été influencée par l’équivalent allemand Stengel, qui signifie littéralement « tige ». Quant à bille de chocolat, c’est actuellement un régionalisme du Sud-Ouest de la France qui connaissait autrefois une plus vaste aire d’emploi. Dans ce sens, l’analogie n’est pas avec la bille sphérique, mais avec la bille cylindrique, qui désigne un tronc d’arbre abattu et débité. Voici ce que dit le Dictionnaire historique de la langue française (Robert) à propos du mot bille : « il a désigné une barre de chocolat (fin XVIIIe siècle) avant d’être supplanté par barre, se maintenant dans certaines régions (Sud-Ouest). »

carré

Les compartiments généralement rectangulaires que l’on peut détacher d’une tablette ou d’une barre de chocolat sont appelés carrés de chocolat. Ne pas confondre ce terme avec carré au chocolat, qui est l’appellation française recommandée au Québec pour désigner le brownie, ce petit gâteau riche et moelleux constitué de chocolat et de noix, servi découpé en carrés.

barre de céréales

Le chocolat se présente sous de nombreuses autres formes toutes plus exquises les unes que les autres (bonbons, poudre, boisson, etc.), mais les passer en revue dépasserait malheureusement le cadre de cette pause chocolat. Le mot barre mérite quand même quelques remarques linguistiques complémentaires.

Le chocolat n’est pas le seul produit alimentaire à être moulé sous forme de barres. Que l’on songe par exemple aux barres de nougat. L’on trouve aussi des barres constituées d’un mélange de flocons de céréales, de noix et de fruits secs, parfois appelées barres muesli, barres tendres ou barres granola. Ces noms sont-ils corrects ?

L’Office québécois de la langue française recommande l’emploi du terme barre de céréales ou de ses synonymes plus rares barre aux céréales ou barre céréalière. Elle juge également correct le terme barre musli (ou barre muesli). Le mot musli (en suisse-allemand müesli), qui nous vient de Suisse, désigne un mélange de flocons de céréales (principalement d’avoine) et de fruits généralement secs, qui se mange habituellement avec du lait au petit déjeuner. En français, entre les trois graphies müesli, muesli et musli, c’est cette dernière qui est recommandée par les rectifications de l’orthographe.

La barre de céréales est parfois appelée barre tendre (en anglais chewy bar), mais l’Office québécois juge cet équivalent trop vague.

Quant à l’expression barre granola, courante au Québec, elle n’est pas non plus retenue par l’Office, sous le prétexte que granola provient d’une marque de commerce anglaise. Les mots Granula et Granola ont effectivement été des marques de commerce créées aux États-Unis à la fin du xixe siècle pour désigner un mélange de céréales plus ou moins similaire au musli, mais ils n’ont plus ce statut de marque de commerce en Amérique du Nord. Le mot et le produit rajeuni y ont connu un regain de popularité à partir des années 1960, au point où l’appellation granola, aussi bien en anglais américain qu’en français québécois, en est venue à qualifier familièrement les adeptes d’alimentation naturelle. L’expression barre granola devrait être réservée au registre familier. Dans un contexte plus soutenu, on lui préfèrera donc barre de céréales.

Conclusion

Quels qu’en soient le nom et la forme, chocolatée ou céréalière, la barre est une collation énergétique qui peut s’avérer particulièrement bienvenue quand survient le « coup de barre ».

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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