Histoires de mots - 6 janvier 2014 - 2 min

Renvoi aux calendes romaines

Notre exploration des termes calendaires, jusqu’à présent limitée aux noms de mois et de fêtes, nous amène naturellement, en ce début de calendrier, à celle du terme même de calendrier. Nous verrons que le rapport entre calendrier et calendes va plus loin qu’une simple similitude de forme. Ne remettez donc pas aux calendes grecques cette incursion fascinante dans l’histoire de ces mots, qui vous renverra d’abord aux calendes romaines.

calendes, calendrier

Sous la République romaine, le mois était officiellement rythmé selon trois repères à partir desquels les jours étaient numérotés à rebours : les calendes (premier jour), les nones (cinquième ou septième jour) et les ides (treizième ou quinzième jour). Concurremment à ce système, la vie courante était réglée selon une semaine marchande de huit jours, qui se terminait par le jour du marché et dont les jours étaient simplement identifiés par les huit premières lettres de l’alphabet (de A à H).

Il est probable que le nom latin désignant le premier jour, calendae, provienne du verbe archaïque calare signifiant ‘proclamer’, puisque le pontife proclamait aux calendes quel jour tombaient les nones. Comme il était aussi d’usage de rembourser les intérêts de ses dettes aux calendes, on appela le registre de compte qui consignait ces dettes calendarium, d’où le français calendrier. Il existait en ancien français une forme indigène chalendrier, où le c initial latin avait évolué en ch, comme cattus qui a donné chat, et où un r superflu s’était ajouté, comme cela s’était produit pour perdrix, issu du latin perdix. Chalendrier a été supplanté par les formes calendier (ou kalendier), puis calendrier, qui conservent le c initial latin. Elles constituent soit une réfection de chalendrier sur calendarium, soit un emprunt au latin ou à une langue romane conservant le c latin.

Le mot calendes est surtout connu aujourd’hui dans l’expression renvoyer quelque chose aux calendes grecques. La partie aux calendes grecques a été calquée à la Renaissance sur le latin impérial ad Calendas Graecas. Cette expression latine a été consignée la première fois par le polygraphe romain Suétone, qui la mettait dans la bouche de l’empereur Auguste. Comme le calendrier grec ne connaissait pas les calendes, Auguste aurait utilisé cette expression pour signifier qu’un évènement n’aurait jamais lieu. Le choix de ce jour a probablement été motivé par le fait qu’il constituait l’échéance des dettes ; donc, lorsqu’un débiteur disait qu’il allait rembourser aux calendes grecques, on n’était pas près de revoir la couleur de son argent…

D’autres langues romanes ont aussi calqué l’expression ad Calendas Graecas. On trouve également d’autres expressions temporelles exprimant une réalisation impossible. Si plusieurs contiennent un mot signifiant simplement ‘jamais’ (par exemple : am Sankt Nimmerlein ‘à la Saint-Petit-Jamais’ [allemand], no dia de São Nunca ‘au jour de Saint-Jamais’ [portugais], on the twelfth of Never ‘le douze (du mois) de Jamais’ [anglais], na święty nigdy ‘à la Saint-Jamais’ [polonais]), d’autres sont plus imaginatives (par exemple : la Sfântu-Aşteaptă ‘à la Sainte-Attente’ [roumain] et met Sint-Juttemis ‘à la Sainte-Judith’ [néerlandais], qui réfèrent à des fêtes fictives). Le français n’est d’ailleurs pas en reste avec à la Saint-Glinglin, qui, comme dans la semaine des quatre jeudis, dénote un évènement qui n’arrivera jamais.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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